L’interdiction de solliciter la civilité (Madame ou Monsieur) d’une personne lorsque cette donnée n’est pas indispensable au service fourni
Dans son arrêt C-394/23 de ce 9 janvier 2025, Mousse, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pose le principe selon lequel, en application du RGPD, il est impossible d’exiger la civilité d’une personne lorsque cette donnée n’est pas nécessaire pour le service fourni.
Cet arrêt a été rendu sur la base d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’État français (CE, 21 juin 2023, n° 452850), initialement saisi par l’association MOUSSE contestant la pratique de la SNCF de solliciter que les personnes souhaitant acheter un titre de transport indiquent si elles sont une femme ou un homme.
En application du principe de minimisation des données, la Cour rappelle que les données collectées doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire. Elle rappelle que le RGPD prévoit une liste exhaustive et limitative des cas dans lesquels une telle collecte est licite. C’est notamment le cas lorsqu’elle est nécessaire à l’exécution du contrat devant être conclu ou « aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable de ce traitement ou par un tiers ».
La CJUE juge qu’aucune de ces deux justifications ne peut être retenues en l’espèce pour la vente de billets de transports, la SNCF ne procédant à la collecte de la donnée relative à la civilité des voyageurs, la conduisant à présumer de l’identité de genre des voyageurs, qu’à des fins commerciales afin de personnaliser sa communication. Elle précise que les seules données pouvant être recueillies sont, pour un service de ce type, celles qui sont « objectivement indispensable afin de permettre l’exécution correcte d’un contrat de transport ferroviaire ». On notera le caractère restrictif de cette possibilité : il faut que le recueil de l’identité soit « indispensable » et uniquement pour une exécution « correcte ».
Cet arrêt impose donc notamment aux prestataires de services, y compris de services publics, de cesser sans délai d’exiger la civilité des clients ou usagers lorsque cette information n’est pas indispensable à la prestation en cause. Dans le cas contraire, en ce qui concerne spécifiquement les administrations publiques, le refus de ces dernières de mettre fin à cette pratique pourra faire l’objet d’un recours devant les juridictions. Ce refus pourra même entraîner la mise en cause de la responsabilité de l’administration concernée si l’usager démontre qu’il lui a occasionné un préjudice.
Il reste bien entendu à déterminer les hypothèses dans lesquelles le service rendu ne peut l’être qu’en ayant connaissance de la civilité de la personne concernée. Assurément, elles sont très peu nombreuses.
Vincent CORNELOUP, avocat associé