Condamnation de la France par la CEDH
-Condamnation de la France par la CEDH pour des défaillances dans la protection de mineurs ayant déposé plainte pour viol auprès des autorités françaises-
Arrêt du 24 avril 2025, affaire L. et autres c. France, requête n°46946/21
Il s’agissait de trois affaires de viols commis sur des mineurs âgées au moment des faits de 13, 14 et 16 ans.
> Aucun des prévenus n’a été condamné pour viol.
> Deux des trois procédures se sont soldées par des non-lieux et dans la troisième, les faits ont été requalifiés en agression sexuelle. On parle alors de correctionnalisation du viol, c’est-à-dire de la transformation d’un crime (le viol) en un délit (l’agression sexuelle) entraînant une baisse de la gravité des faits et donc une baisse de la peine encourue (on passe de 15 ans à 5 ans).
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Pourquoi une condamnation de la France ?
1/ La réalité du discernement et du consentement des requérantes n’a pas été correctement évalué
En effet, les autorités françaises n’ont pas suffisamment pris en considération :
- La situation de particulière vulnérabilité des victimes (leur minorité)
- Les effets des circonstances aggravantes environnantes (état de santé, état psychologique, consommation d’alcool et de toxine)
2/ Une insuffisance du système pénal français à réprimer les actes sexuels non consentis
Sur la notion de consentement : la CEDH rappelle à la France que « le cadre européen et international plaide en faveur d’une référence claire à la notion de libre consentement pour réprimer le viol et les agressions sexuelles ». De plus, « le consentement doit traduire la libre volonté d’avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient et en tenant compte de ses circonstances ».
Ainsi, elle rappelle que l’absence de réaction de la victime ne constitue pas un consentement.
3/ La victimisation secondaire
La notion de victimisation secondaire désigne la reproduction par les autorités nationales de stéréotypes sexistes dans les décisions prises et/ou la minimisation des violences sexistes et sexuelles rapportées.
On parle alors de victimisation secondaire car ce traitement se rajoute aux violences subies et dénoncées auprès des autorités.
En l’espèce, la CEDH a retenu que l’une des requérantes a dû faire face à « des propos culpabilisants, moralisateurs et véhiculant des stéréotypes sexistes propres à décourager la confiance des victimes dans la justice« .
Par exemple, dans l’arrêt de la chambre d’instruction du 12 novembre 2020 concernant la première requérante qui se déclare victime de viol commis par des pompiers, les juges ont retenu que « leur succès habituel (des pompiers) auprès de la gente féminine et le comportement parfois débridé de celle-ci à leur endroit ne les ont pas incités à la réflexion ».
Par ailleurs, la cour relève également que dès le début de l’enquête, lors de l’audition de l’une des requérantes par un service pourtant spécialisé, elle « a été confrontée aux questions d’un policier lui reprochant indirectement de ne pas avoir manifesté son absence de consentement en criant ou en se défendant physiquement. Ces échanges ont conduit la requérante a reconnaître qu’elle n’avait pas adopté un comportement adéquat, prétendument attendu de la part d’une victime de viol face à son agresseur. »