Quel périmètre de protection autour des débits de tabac ?

Le Conseil d’État a enfin tranché : le périmètre de protection institué autour des débits de boisson est bien applicable aux débits de tabac

 

Le 13 janvier dernier, le Conseil d’État a tranché la question de savoir si, en l’absence de dispositions spécifiques, l’arrêté préfectoral instituant un périmètre de protection autour des débits de boisson est applicable aux débits de tabac (CE, 13 janvier 2023, n°453434).

En effet, cette problématique avait donné lieu à deux décisions contradictoires de la Cour administrative d’appel de Paris en 2019 (CAA Paris, 24 septembre 2019, n°18PA00976) et de la Cour administrative d’appel de Lyon en 2021 (CAA Lyon, 8 avril 2021, n°20LY01685).

Ces deux décisions concernaient le déplacement intra communal d’un débit de tabac – soumis à autorisation du Maire (article 13 du décret n°2010-720) – à proximité de lieux d’accueil de la jeunesse.

Or, en vertu de l’article 11 du décret n°2010-720 relatif à l’exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés :

« Les implantations de débits de tabac sont interdites :

 (…)

 Les implantations de débits de tabac sont interdites :4° En zone protégée, conformément aux dispositions des articles L. 3335-1 et L. 3511-2-2 du code de la santé publique. »

 

L’article L3335-1 du Code de la santé publique précise ainsi que :

« Le représentant de l’Etat dans le département arrête, sans préjudice des droits acquis, après information des maires des communes concernées, les distances en-deçà desquelles les débits de boissons à consommer sur place ne peuvent être établis autour des établissements suivants, dont l’énumération est limitative :
1° Etablissements de santé, centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie et centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues ;
2° Etablissements d’enseignement, de formation, d’hébergement collectif ou de loisirs de la jeunesse ;
3° Stades, piscines, terrains de sport publics ou privés
. »

 

Concernant les débits des tabacs, l’article L3512-10 du Code de la santé publique (ancien article L3511-2-2) prévoit enfin que :

« L’article L. 3335-1 est applicable aux lieux de vente de tabac manufacturé, sans préjudice des droits acquis.
Par dérogation à l’article L. 3335-1 et sans préjudice des droits acquis, un débit de tabac ne peut être établi autour d’un établissement d’instruction publique, d’un établissement scolaire privé ou d’un établissement de formation ou de loisirs de la jeunesse à une distance inférieure à un seuil fixé par arrêté du représentant de l’Etat dans le département.
 »

Il résulte de ce dernier article que, d’une part, le périmètre de protection opposé aux débits de boisson est applicable aux débits de tabac, et que, d’autre part, l’autorité préfectorale a la faculté de prévoir un périmètre de protection spécifiquement applicable auxdits débits.

S’agissant néanmoins d’une mesure de police administrative, attentatoire aux libertés publiques, la question était alors de savoir si, en l’absence de toute référence express aux débits de tabac, le périmètre de protection institué par arrêté préfectoral et concernant uniquement les débits de boisson leur étaient opposable.

Autrement formulé, une mesure de police administrative pouvait-elle tacitement s’appliquer à une catégorie d’administrés qu’elle ne vise pourtant pas expressément ?

En 2019, la Cour administrative d’appel de Paris avait répondu par la négative.

En effet, invoquant l’interprétation stricte des mesures de police administrative, la Cour avait jugé qu’il ne résulte pas des dispositions du Code de la santé publique que l’arrêté préfectoral opposable à l’implantation des débits de boisson puisse être tacitement opposable aux débits de tabac.

Deux ans plus tard, la Cour administrative d’appel de Lyon retenait pourtant la solution inverse dans une affaire similaire.

Le Ministre de l’économie, des finances et de la relance s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de ce dernier arrêt.

 

Dans sa décision du 13 janvier 2023 (CE, 13 janvier 2023, n°453434) le Conseil d’Etat a alors confirmé l’analyse de la Cour administrative d’appel de LYON :

« En vertu, d’autre part, des dispositions de l’article L. 3335-1 citées au point 3, l’arrêté que le représentant de l’Etat dans le département a la faculté de prendre pour déterminer, sans préjudice des droits acquis, les distances auxquelles les débits de boissons à consommer sur place ne peuvent être établis autour de certains édifices et établissements, au nombre desquels figurent les établissements scolaires ainsi que les lieux de formation et de loisirs de la jeunesse, s’applique, en vertu du premier alinéa de l’article L. 3512-10 du code de la santé publique, aux lieux de vente de tabac manufacturé, sans préjudice des droits acquis, à moins, toutefois, que ne s’applique, spécifiquement aux débits de tabac, un arrêté pris par le représentant dans le département sur le fondement du second alinéa de l’article L. 3512-10 cité ci-dessus. »

Ainsi désormais, dans les départements où il existe un arrêté préfectoral instituant un périmètre de protection applicable aux débits de boisson, ce dernier est opposable aux débits de tabacs, même si cet arrêté ne s’y réfère pas expressément.

L’autorité préfectorale demeure cependant libre de fixer un périmètre de protection spécifique, seulement applicable aux débits de tabac.

Les autorités compétentes en matière de transfert ou de déplacement (Douanes ou Maire selon les cas) devront donc accorder une attention particulière aux lieux choisis par les débitants en contrôlant que ceux-ci se situent au-delà du périmètre de protection opposable aux débits de boissons, ou, le cas échéant, au-delà d’un périmètre de protection spécifiquement applicable aux débits de tabac.