Focus sur… Le Décret Tertiaire

Le cadre juridique du Décret Tertiaire

Le Décret Tertiaire (décret n°2019-771 du 23 juillet 2019) impose une diminution de la consommation énergétique des locaux tertiaires, et ce, quelle que soit la date de construction du bien.

L’article 2 d) de l’arrêté du 10 avril 2020 définit le local tertiaire comme : « un local d’activité, tout local qui permet à une entreprise, un professionnel ou une autorité publique de réaliser ou regrouper ses activités en un lieu unique. Il existe divers types de locaux d’activités : bureaux professionnels, commerces, établissement d’enseignement, établissement de santé, locaux sportifs, locaux culturels, entrepôts, etc ». Ces locaux ne doivent pas être principalement utilisés à des fins industrielles ou résidentielles.

Ainsi, l’obligation de diminution de la consommation énergétique s’adresse tant aux entreprises et professionnel, qu’aux autorités publiques, que le gestionnaire de l’activité soit propriétaire ou locataire.

 

Les locaux et bâtiments concernés

Le Décret s’applique aux locaux tertiaires d’une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000m2. S’agissant du calcul de cette surface, l’article R. 111-22 du Code de l’urbanisme prévoit que « la surface de plancher de la construction est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades après déduction de certaines surfaces de plancher [par exemple les vides liés aux escaliers et ascenseurs]». Cela concerne tous les niveaux dont la hauteur est supérieure à 1,80 m.

Pour les activités de bureaux, on utilise la notion de « surface utile brute » lorsque la surface de plancher n’est pas connue. Pour les bâtiments et ensembles commerciaux, on se réfère à la « surface commerciale utile », là encore lorsque les données de la surface de plancher ne sont pas disponibles.

Le décret s’applique à toutes les parties d’un bâtiment à usage mixte, comme résidentiel et tertiaire, dès lors que la surface cumulée des activités tertiaires atteint ou dépasse 1 000 m².

Il s’applique aussi à tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site, dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires dont la surface cumulée est supérieure ou égale à 1 000 m².

Le Conseil d’État définit l’unité foncière comme « un îlot d’un seul tenant composé d’une ou plusieurs parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ».

CE, 27 juin 2005, n° 264667

Une division cadastrale ne fait donc pas obstacle à l’application du décret.

En revanche, sont exclus de l’application de cette obligation les constructions à titre précaire, les bâtiments destinés au culte et ceux relevant de la défense, de la sécurité civile ou de la sécurité intérieure du territoire.

 

Les obligations à respecter

Pour atteindre ces objectifs, le décret prévoit une obligation de reporting annuel de consommation énergétique sur la plateforme OPERAT (www.operat.ademe.fr), ainsi qu’une obligation de rénovation énergétique, visant à réduire la consommation.

 

Les objectifs et enjeux

L’article L. 174-1 alinéa 3 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l’obligation doit atteindre une réduction progressive de consommation d’énergie finale :

  • 40% d’ici 2030 ;
  • 50% d’ici 2040 ;
  • 60% d’ici 2050.

Il s’agit d’un objectif en valeur relative, c’est-à-dire, par rapport à une année de référence choisie entre 2010 et 2019.

Il peut également s’agir d’un seuil de consommation d’énergie finale par m2 en fonction de l’activité exercée dans le bâtiment ; seront pris pour référence les bâtiments récents ayant de bonnes performances énergétiques. Il s’agit alors d’un objectif en valeur absolue.

L’objectif est d’encourager la réduction de la consommation énergétique, et pas la simple réduction des dépenses d’énergie.

 

La répartition des responsabilités

 L’article 2 de l’arrêté du 10 avril 2020 donne la définition de propriétaire comme étant b) « celui qui dispose de la propriété immobilière à savoir un propriétaire unique, un coindivisaire ou un copropriétaire ».

En cas de location, c’est le bail qui fixe les obligations respectives du bailleur et du preneur.

En cas de silence du bail, la répartition des responsabilités peut être prévue par un texte.

Par exemple, dans le cas d’un bail commercial, l’article R. 145-35 du Code de commerce prévoit les dépenses qui ne peuvent être imputées au locataire. Cela concerne les « grosses réparations », telles que définies par l’article 606 du Code civil : « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien ».

Le locataire aura ainsi à sa charge : l’entretien des équipements de chauffage, les systèmes de climatisation, la maintenance des installations sanitaires, les travaux de rénovation des peintures, …

 

Les sanctions

L’article R. 185-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit des sanctions en cas de non-respect des obligations fixées par le Décret :

  • En cas de défaut de transmission des données sur la plateforme OPERAT, tant le propriétaire que le locataire seront mis en demeure de fournir l’intégralité de leurs données dans un délai de trois mois.

S’ils ne font pas, c’est le principe du « Name and Shame » qui est mis en application afin de faire littéralement honte aux récalcitrants.

  • Lorsque les objectifs de réduction énergétique ne sont pas atteints, le préfet adresse une mise en demeure à la personne concernée, lui laissant 6 mois pour présenter un plan d’actions correctives avec un calendrier prévisionnel.

Si rien n’est fait, le préfet peut la mettre en demeure d’élaborer un programme d’actions approprié. En cas de non-justification d’un tel programme, des amendes sont prévues : 1 500€ pour les personnes physiques et 7 500€ pour les personnes morales.

Focus sur… rédigé par Vincent CORNELOUP, docteur en droit, avocat associé, spécialiste en droit public et Mallia LELARGE, juriste apprentie